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Le Donut Territorialisé

Localisation : CA Valence Romans Agglo

Mission : Objectiver les impacts environnementaux et externalités sociales des décisions politiques concernant le Projet de Territoire

Fiche Problème

Demande initiale :

L'EPL fab.t propose à Valence Romans Agglo d'installer une méthode innovante d'évaluation inspirée de la théorie du Donut pour mesurer l'impact global du projet de territoire de VRA. La proposition d'incubation consiste à mettre en œuvre une expérimentation sur la thématique de l'alimentation.

Contexte et intention :

Valence-Romans Agglo s'est mobilisée autour de la volonté d'expérimenter la représentation systémique du Donut de Kate Raworth afin de changer le regard sur les projets et politiques publics et d'en apporter une vision évaluative systémique et partageable, telle que présentée ci-après.

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Mise en place d’une évaluation au fil de l’eau du projet de territoire avec la démarche DONUT

1/ Contexte
Il s’agit de mettre en place un outil d’évaluation systémique du projet de territoire de
Valence Romans Agglo prenant en compte les enjeux de développement durable et de
solidarités sociales issus de l’Agenda 2030 (engagements nationaux sur les 17 Objectifs de
Développement Durable (ODD) fixés par l’ONU, notamment en lien avec les accords de Paris).
Ces engagements conditionnent dorénavant de nombreuses aides de l’Etat (Plan de relance,
CRTE, PIA4…) et de l’Europe qui inscrivent leurs politiques publiques dans ce cadre. C’est aussi
un outil de dialogue avec la société civile dans le cadre des actions de RSE (responsabilité
sociétale des entreprises). 


2/ Objectif : Mobilisation du modèle «Donut »
L’économiste Kate Raworth a développé une théorie intitulée « Le concept du Donut » qui
s’appuie sur les ODD de l’ONU et qui propose un modèle d’évaluation original et intuitif.
Si ce modèle est une orientation intéressante pour visualiser une politique à un échelon national,
il nécessite d’être adapté au territoire, aux compétences de l’Agglo et à l’action de ses partenaires pour devenir un outil concret et appropriable par tous.


3/ Propositions : Application territoriale du modèle Donut
L’année 2021 sera ainsi mise à profit pour « territorialiser » le raisonnement du Donut,
et en faire un outil de suivi du projet de territoire de l’Agglo avec une mesure de sa
progression d’une année sur l’autre. Cette démarche impliquera les élus et sera faite en
association de l’ensemble des départements de l’Agglo.

Approche de l'investigation :

Afin de tester la pertinence du modèle et d'en expérimenter la mise en oeuvre, l'équipe s'est attachée à circonscrire le périmètre de l'investigation à une politique publique spécifique et, plus précisément, à un objet ou projet qui en soit représentatif, en répondant notamment aux critères suivants :

- consituer un champ de l'action de l'agglomération / être "opéré" par l'agglo

- faire l'objet d'enjeux clairement définis dans le projet de territoire

- avoir un impact significatif sur le territoire

- faire l'objet de projets d'évolution / de transformation à court et moyen terme.

Dans ce contexte, l'équipe a choisi le domaine de l'alimentation, particulièrement investi et symbolique du dynamisme local, qui fait l'objet d'un "Projet Alimentaire Territorial" (PAT).

Hypothèse problème :

I) Quel est le problème que vous avez identifié ?

La restauration collective publique est un accélérateur du projet alimentaire territorial. Principalement effectués comme des décisions de gestion, les choix (de modèle et d’opérateurs) ne sont pas faits en toute connaissance de leur impact sur le territoire. La portée des décision des acteurs locaux n’est pas toujours éclairée par les impacts de leurs décisions en matière :

- d’emploi sur le territoire

- de développement économique

- de développement de l’agriculture

- de conséquences sur l’industrie agroalimentaire

- d’attractivité du territoire

- de qualité des ressources (eau...)

- etc.

Au-delà d’éclairer leurs décisions, les décideurs politiques n’ont pas d’outil disponible objectiver les impacts et externalités, les partager avec les agents et à les administrés. 

En matière d'alimentation, la Cuisine centrale est un opérateur majeur sur le territoire, qui illustre bien la démarche du Plan d’Alimentation de Territoire. En tant que service commun communes/intercommunalité, elle est confrontée à des problématiques nouvelles et légitimes de méthodologie et d'explication de ses choix (investissements, achats, politique tarifaire...) auprès de ses financeurs et usagers.

II) Qui est concerné par ce problème ?

Le "système client" de l’agglomération est composé des communes et des usagers :

- actuellement 15 communes adhérentes bénéficient des services de la Cuisine centrale, sur les 54 que compte l'agglomération, représentant 25% des  « 2 – 10 ans »  scolarisés sur le territoire de l’Agglo

- 5 310 repas sont ainsi servis chaque jour dans 56 restaurants scolaires, soit au total 776 000 repas préparés à l’année. Au menu : des produits  frais, bio, et locaux.

- les communes non adhérentes recourent pour l'heure à d'autres formes d'organisation (régie, association ou, le plus souvent, prestataires privés).

III) Quel est le préjudice (conséquences) du problème pour les usagers ?

Le préjudice pour :

- les élus : les objectifs de la cuisine centrale sont évalués, mais il n’y a pas d'outil d'évaluation systémique de l’impact de son fonctionnement et de ses projets sur les autres axes du Projet de territoire

- le service métier qui opère au quotidien : une vision parcellaire de ses actions et projets inhérente au mode de gestion en service commun

- l’usager : un manque de lisibilité in fine pour les habitants des communes adhérentes et un possible déficit de recours aux services proposés par l'agglo pour les résidents des autres communes. 

IV) Quelles sont les principales causes du problème ?

Dans son projet de territoire, l’agglomération fait le pari d’élargir le nombre d’adhérents sur son territoire. L’objectif de cet élargissement est d’offrir des économies d’échelle et de respecter les orientations, notamment fixées par la loi Egalim, pour proposer une offre de qualité en modérant l’augmentation des coûts finaux, dans un cadre régi par les principes fondamentaux du service public (équilibre, équité sociale, laïcité...). 

Le problème est représentatif de l’enjeu de la valeur ajoutée induit par la mutualisation intercommunale au profit des communes.

V) Pourquoi le problème vous semble-t-il actionnable ?

Le problème peut être adressé dans sa globalité et la collectivité dispose des moyens d’actions pour agir sur la problématique puisque l'alimentation est l'un des domaines de compétence de l'agglo.

Le soulever permet une nécessaire prise de conscience pour l'ensemble des acteurs :

- l’agglomération pourrait ainsi sécuriser son risque lié à l’extension de la cuisine centrale,

- les communes mesureraient le bénéfice du service commun,

- l’usager en sa qualité, tant de consommateur final que de contribuable et résident du territoire, mesurerait les impacts directs de cette action publique, dont il n'a actuellement pas conscience.

VI) Comment allez vous tester vos hypothèses problème 

Interrogations par entretien des 3 opérateurs : la cuisine centrale, le client, l’usager.

VII) Quelle serait la finalité de votre solution ?

Le donut sera une aide à la décision des élus et un outil de lisibilité et de communication à destination des usagers.

Il doit permettre :

- d’expliciter le prix de vente des repas (jugé potentiellement trop important par le consommateur final) en rendant compte des objectifs territoriaux (économique, environnemental et social).

- de rendre les utilisateurs conscients de leur consommation

- aux communes et utilisateurs finaux de mesurer les engagements de la cuisine centrale et d’identifier les composantes du coût

- de mettre les communes adhérentes à la cuisine centrale en position d'actrices des autres ambitions du projet de territoire (agriculture, projet alimentaire territorial…)

- de faire d’un équipement de service commun un levier de développement économique local.

Déroulement de l'investigation :

L'investigation s'est déroulée sur 12 semaines, de mai à septembre 2021.

Elle s'est articulée autour de quatre phases :

- circonscrire, évaluer et documenter les enjeux liés à la cuisine centrale

- valider l'hypothèse problème par 25 entretiens avec les acteurs concernés (agents, utilisateurs du service, élus...) 

- rechercher et étudier des exemples d'application concrète de la théorie du Donut dans des collectivités.

- expérimenter une méthode d'établissement du "Donut de la cuisine centrale"

Conclusion

Le problème investigué

L'investigation n'aboutit pas précisément sur un "problème" au sens d'un irritant perçu par les citoyens, mais l'ensemble des acteurs confirment le besoin d'une vision évaluative des actions et politiques publiques, globale et partagée.

Les agents en charge de la cuisine centrale et de la politique alimentaire du territoire, comme les élus responsables de ces pans de l'action publique, confirment un besoin de partager : 

- les enjeux et objectifs des projets et équipements tels que la cuisine centrale

- une conception systémique de leur évaluation

- une représentation offrant une vision globale des impacts et externalités sur les différents axes (sociaux, environnementaux...)

- les éléments pluriels permettant d'arbitrer les projets / actions

et de pouvoir en rendre compte aux citoyens.

Le Donut

Les recherches effectuées ont permis d'identifier deux collectivités majeures (Donut Brussels et Amsterdam) ayant mis en oeuvre la théorie de Kate Raworth ainsi qu'une initiative privée de représentation du Donut du Grand Paris.

Par ailleurs, les travaux de l'équipe de Kate Raworth et de son lab, ainsi que ceux de l'université de Leeds permettent d'accéder à des Donuts des Etats

L'étude de l'application de la théorie du Donut aux villes de Bruxelles et Amsterdam semble s'être centrée sur la diffusion de la vision de Kate Raworth d'une zone de développement "sûre et juste" inscrite entre "plancher social" et "plafond environnemental" et sa mobilisation pour animer des démarches de participation citoyenne.

En revanche, l'équipe n'a pas pu recenser de mise en application concrète de la théorie du Donut à l'échelle de territoires, pas plus que n'a été identifiée de méthodologie permettant de "dessiner son Donut".

Idéation : établir le Donut spécifique de la cuisine centrale de Valence-Romans Agglo

L'équipe s'est donc attachée à un travail de mise en oeuvre expérimentale du Donut appliqué à la cuisine centrale, qui pourrait ensuite être élargi au Projet Alimentaire Territorial (PAT), puis potentiellement à l'ensemble du Projet de territoire.

Ce travail a permis d'identifier la nécessité de passer par une phase préalable de notation technique et objective des différents axes, avant de pouvoir en arriver à une représentation "Donut" plus graphique et "parlante" pour l'ensemble des acteurs.

Radar et Donut

L'équipe a ensuite avancé sur l'identification des axes à évaluer dans le cadre de la cuisine centrale et commencé à lister des indicateurs, existants ou à élaborer, et à construire un référentiel permettant de positionner la mesure de chaque indicateur, de sorte à les situer sur le Donut.

L'équipe a élaboré des "maquettes" de ce que pourraient être le radar puis le Donut de la cuisine centrale et recensé la liste des axes et des indicateurs.

Conclusions de l'investigation

La réaction des "utilisateurs"

Ces maquettes ont été soumises aux utilisateurs (agents de la cuisine centrale et de l'agglo, élus en charge du PAT).

Elles ont suscité un vif intérêt, par la possibilité ainsi ouverte de :

- fixer des objectifs partagés sur chacun des axes et les suivre

- évaluer le positionnement de l'équipement au regard de ces différents axes 

- objectiver les impacts de tout nouveau projet, ponctuel ou au long cours

- offrir une vision globale et systémique des impacts et de possibles externalités sur les autres politiques de l’agglo.

Cet intérêt a été confirmé lors du comité de fin d'investigation, placé sous la présidence du Directeur Général des Services de Valence Romans Agglo.

L'impossibilité d'identifier des indicateurs d'impact

L'équipe n'a pas pu identifier des indicateurs d'impact clairs et simplement mesurables, particulièrement s'agissant de l'amélioration d'un irritant subi par les citoyens.

Le Donut étant, en soi, un outil de pilotage et d'évaluation, l'équipe s'est forgé la conviction d'un impact à terme sur l'amélioration du pilotage des politiques publiques et de leur lisibilité par les citoyens, tout en actant qu'il serait très complexe de mesurer ledit impact à court terme.

Ouverture : un jour, la "machine à Donuts" ?

L'application de la théorie du Donut à l'évaluation des politiques publiques est avant tout une invitation à changer de regard, de mesure d'impact et de méthode de représentation des actions entreprises par les collectivités et organismes publics.

Afin de passer du "graphique Excel" au Donut pour piloter les politiques publiques, il conviendra sans doute d'outiller l'ensemble des acteurs avec un outil numérique permettant d'établir simplement et de manière automatisée les radars et donuts souhaités. 

Toutefois, avant d'envisager la phase d'automatisation via un outil numérique, reste à finaliser la réalisation expérimentale du Donut de la cuisine centrale de Valence Romans agglo puis à tester la déclinabilité de la méthode à d'autres politiques publiques et collectivités. 

Restent à définir le cadre et les modalités de mise en oeuvre de ces travaux, pour lesquels l'Agglo et la Fab.t ont manifesté un intérêt fort et ont affirmé leur capacité à rester mobilisés sur le projet.