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Investigation

Localisation : Épinal

Mission : Inciter les habitants du territoire à privilégier le commerce et l’artisanat local par la mise en place d’une plateforme de commande et de livraison de produits en ligne.

Fiche Problème

Contexte de l’investigation

 

La désertification des centres villes et la problématique de leur revitalisation nécessitent de repenser la question de fond des commerces de proximité et surtout de leur survie. C’est pourquoi, des actions de soutien aux commerçants de proximité sont menées de toute part, notamment à travers le numérique. Selon de récentes études de Médiamétrie, 60% des vêtements pour femmes sont achetés sur internet. Les habitudes de consommation changent profondément et le numérique paraît aujourd’hui incontournable pour le commerce. Le confinement et les nouvelles pratiques issues des confinements n’ont fait qu’amplifier les attentes, les besoins et les usages en terme de commerce numérique. 

Le numérique est donc perçu comme un enjeu majeur d’amélioration de la productivité économique des commerces locaux, de leur relation aux usagers et de leur possibilité de mieux communiquer. Il apparaît à priori comme un atout clé pour les faire connaître et exister, dans le prolongement de leur activité physique.

A Epinal, comme dans d’autres beaucoup communes de France, la crise sanitaire et les conséquences difficiles sur le commerce de proximité lors du premier confinement ont été au cœur de la création d’une Marketplace locale en solidarité aux commerçants d’Epinal. L’objectif était pour la ville, comme pour d’autres villes, de créer une Marketplace, qui peut amoindrir la puissance des grandes plateformes telles que Amazon pour favoriser les commerces locaux et de proximité. Nous avons vu partout fleurir des campagnes pour favoriser le commerce local, comme en Occitanie : « cette année au lieu d’acheter en ligne, j’achète Dans Ma Zone ». Cet outil visait à permettre aux commerces locaux d’avoir plus d’usagers qui consomment directement chez eux au lieu d’acheter sur les plateformes globales.

Cependant, plusieurs problèmes se posent à la ville et questionnent le rapport entre commerce local & numérique :

  • La démarche « commerces du futur », démarche d’accompagnement des commerçants via de l’ingénierie ou des financements menée para ville et la CCI, fonctionne de manière très disparate sur le territoire, voire est peu appropriée par les commerçants, à Epinal en tout cas.
  • La marketplace créée, qui a été un succès lors des confinements, est moins utilisée. Certains commerçants ont réussi à en faire un levier pour leur activité mais ils restent très minoritaires et au-delà de l’inscription, il se passe peu de ventes sur la plateforme. 

 Les hypohtèses

Les hypothèses sur les causes des difficultés de la marketplace sont les suivantes :

# Le manque de moyen financier pour se développer (gratuite pour tous les commerçants. Pas les moyens de développer rapidement malgré les aides de la CC et de la ville).

# Le manque de communication autour : la marketplace était partout pendant une période (communication tout azimut)... Mais quand les campagnes s’arrêtent, on ne la voit plus.

# Freins techniques, notamment autour de l’absence de paiement en ligne par exemple.

Hypothèses problème plus globales chez les commerçants :

# Le manque de savoir-faire sur le numérique.

# Freins de fond chez les commerçants : ce sont des commerçants de proximité pas des commerces numériques... leur métier ce n’est pas le numérique.

L'investigation a donc chercher à comprendre les irritants et les difficultés rencontrées par les commerçants locaux sur le numérique.

Phase 1 : la recherche

 

Côté commerçants : 15 commerçants interrogés. Globalement, les entretiens montrent :

  • Ils sont tous partants pour réfléchir au numérique et ils estiment qu’il faut avoir une présence numérique aujourd’hui.
  • En revanche, pour beaucoup, ils se disent en difficulté car ils ne savent pas comment ni sous quelle forme cela peut leur être utile.
  •  Ils ont souvent une aide extérieure, une tierce personne qui les accompagne sur le numérique (dans la famille ou parmi les amis).
  • Ce qui marche et qui a un impact mesurable selon eux c'est principalement l'utilisation des réseaux sociaux, nécessaires et utiles. Ils ont beaucoup de clients grâce aux réseaux sociaux. Avec cet outil, ils peuvent échanger et maintenir le lien. Cela permet de se créer une communauté, qui partage et qui donne de la visibilité à son commerce pour faire venir les clients. Cela résoud une partie des difficultés qu'ils rencontrent: ne demande pas trop de temps, et de technique.
  • Facebook leur paraît incontournable : « tout le monde a une page facebook ». Ils utilisent le mode gratuit, sans lien avec un mode de paiement.

La principale attente autour du numérique des commerçants est de disposer d’une vitrine. Ils ne s'intéressent pas nécessairement à une nouvelle clientèle numérique et aux achats numériques. Ils sont commerçants de proximité et souhaitent garder le relationnel avec leurs clients, qui ont eux-mêmes des façons de consommer différentes et souhaitent trouver leurs commerces physiques selon eux.

LES IRRITANTS

  • La gestion quotidienne et le manque de temps, de la difficulté d’être seul.
  • La gestion des stocks pour les commerces de proximité qui font des produits uniques ou qui n’ont pas les stocks des grands magasins. (C’est un problème technique que certains ont réglé par la plateforme Shopify qui permet très facilement de gérer son stock).
  • Le référencement : cela prend trop de temps et demande trop d’énergie par rapport à ce que cela rapport en ventes.
  • La relation humaine qu’ils souhaitent garder et renforcer.

LES PISTES DE SOLUTION QU'ILS PROPOSENT

  • Avoir un outil qui donne surtout de la visibilité et puisse se partager. (gain de clientèle quantitativement mais aussi qualitativement en élargissant l’origine géographique de leur venue).
  • Etre mieux formé et accompagné.
  • Etre mis en relation avec des personnes compétentes.
  • Lien entre le stock et le numérique : mixer les outils informatiques entre eux.

ET LA MARKETPLACE LOCALE ?

Concernant la plateforme : ils sont contents d’avoir eu un outil réactif, facile, ludique pour le confinement. C’est facile à utiliser, ludique.

Mais en l’état l’outil n’apporte pas :

  • assez de ventes. (en moyenne ils disent avoir faire une à trois ventes pendant le confinement)
  • Il n’y a pas assez de communication autour : les habitants ne connaissent pas et ne l’utilisent pas.
  • ne gère pas du tout les stocks. (ce qui nécessite un travail poussé et décourage parfois les clients lorsque le produit n’est plus présent)
  • demande trop de gestion pour le référencement, notamment pour des commerces avec beaucoup de produits uniques.

Côté usagers - 15 entretiens.

  • Globalement, les entretiens montrent qu’en majorité, les habitants sont sensibles et désireux d’acheter en local : responsabilisation, circuits-courts, consommer différemment, savoir d’où viennent les produits, soutenir le tissu économique local... Ils souhaitent acheter chez les commerçants d’Epinal.
  • En revanche, le prix est un frein à l’achat en commerce local.
  • Dans la pratique, ils le font : ils achètent en centre-ville ou aux terres Saint Jean. Mais la pratique d'achat sur internet reste importante notamment pour les vêtements et sur les sites de seconde main (vinted, le bon coin...), dans un souci d’écologie, de responsabilité dans la consommation et la production et pour un souci de prix aussi.
  • Concernant la présence numérique du commerce local, pour beaucoup ils estiment que l’achat sur le numérique pour un commerçant local n’est pas forcément d’actualité. Les irritants :
    • ils attentent une relation, un conseil, toucher et voir. Ils estiment que cela va même jusqu’à une perte de temps (essayer chez, rendre....).
    • ils n’ont pas confiance s’ils ne connaissent pas.
    • Ils souhaitent se déplacer dans les commerces.

En revanche, ils pensent qu’une présence numérique est nécessaire : les commerces absents du numérique ne survivront pas. C’est une vitrine pour être connu, pour être recensé, pour exister. C’est aussi un moyen de se faire de la pub : notamment grâce aux réseaux sociaux. La question de la prescription est aussi présente ici : « lorsque mes amis partagent et like, ca me donne confiance et j’y vais ».

 

Phase 2 : le benchmark

LES AUTRES MARKETPLACES LOCALES

Exemple de plateformes / marketplaces que nous avons investiguées :

  • Mavillemonshopping Nantes Saint Nazaire
    • 635 000€ de subventions publiques (ville, la communauté d'agglo, département...).
    • Les commerçants payent 5,5% sur chaque vente.
    • Investissement de la CCI qui crée 5 animateurs.
    • Résultats: 2200 enseignes présentes, moyenne de vente après 6 mois: 1,3 articles par commerçants, taux de transformation : 2 à 3 % en moyenne.
  • Wishibam - Anger
    • 260 000€ de subventions publiques
    • Les commerçants payent 5% de commission.
    • 180 commerçants présents.
    • 30% d'entre eux ont fait 4 ventes.

Les chiffres de la plateforme locale montrent la même dynamique :

    • 1000 boutiques
    • 700 actifs (dispose d'un produit à vendre)
    • 400 commerçants s'en servent
    • 2500 commandes depuis le début.

Mais

  • Les commandes sont en chute depuis début janvier, et encore plus depuis l'ouverture des commerces.
  • seulement 40 commerçants tirent leur épingle du jeu.
  • XXX de subventions.

Le benchmarck, qui montre une forme de difficulté structurelle des marketplaces locales, a poussé l’équipe à s’intéresser à d’autres solutions numériques comme instagram, ou facebook.

Phase 3 : priorisation / idéation

L’équipe d’investigation a souhaité se concentrer sur une solution qui pouvait répondre aux objectifs suivants :

  • Aider les commerçants indépendants à vendre plus.
  • Leur permettre de disposer d'une vitrine numérique donnant de la visibilité aux commerces locaux.
  • Leur proposer une solution collective qui permet de créer des communautés et de les partager (prescription)
  • les accompagner dans la transition par un outil simple, peu chronophage, déjà utilisé par beaucoup.
  • Créer une communauté de commerçants autour de l'enjeu du numérique, pouvant s'entraider et se soutenir.
  • Promouvoir la plateforme marketplace pour accompagner son développement

La solution proposée était la création d’un facebook des commerçants d’Epinal.

En lien avec les investigations du Havre et celle de la CC de Bapeaume, dont les résultats d’investigation étaient similaires, l’équipe a lancé la construction d’un facebook grâce l’organisation d’un atelier commun d’idéation sur la conception d’un facebook territorial des commerçants, entre la ville d’Epinal et la CC de Bapeaume.

Cet atelier nous a permis de définir une ligne éditoriale commune pour une l'animation d'une page selon les éléments suivants:

  • Portraits de commerçants pour humaniser (incarner) et faire comprendre leur métier (répondre à des questions que peut se poser le public)
  • Coulisses: mise en avant de produits en racontant ... (coulisses de la fabrication, recette du moment, essayage par client.e.s....)
  • Recommandations produits et commerces par Influenceurs locaux.
  • Mise en avant des nouveaux commerces
  • Proposition de réductions (chèques cadeaux) en lien avec associations de commerçants
  • Mise en avant animations proposées en centre-ville
  • Relais des publications de la ville et des associations de commerçants sur les animations
  • Jeux concours

Et de faire un prototype du facebook en vue de le tester.

Conclusion

Une réunion en fin d’investigation entre la ville et la marketplace a permis de dégager des lignes directrices d’amélioration de la plateforme qui répondent à l’attente des commerçants et qui englobent la solution qui était proposée.

La plateforme va être améliorer sur les points suivants :

  • Remettre le commerçant et l'usager au coeur de la plateforme (maintenir un échnage constant avec les commerçants pour les accompagner et adapter la plateforme).
  • Changement du visuel et réorganisation de la plateforme par thèmes (non plus par boutique).
  • Leur permettre de disposer d'une vitrine : le commerçant pourra tout faire (payer, click and collect...) mais cela pourra être juste une vitrine, un lien vers leur facebook.
  • Lien avec les réseaux sociaux : lien entre facebook et la plateforme. Un facebook sera animé par la plateforme avec une ligne éditoriale proche de celle définie lors de notre atelier : Live / Portraits / Interviews / Promotion / Jeux / concours..
  • Accompagnement de chaque commerçant par de la formation : les accompagner individuellement dans la prise de photos, la mise en avant de leurs produits, une personne dédiée pour les aider à créer leur page. Et accompagnement de leur promo.
  • Mise en place d'un GIF: afin que les évolutions stratégiques de la plateforme soient gérées collectivement.